2012-12 la Conciergerie et la Sainte-Chapelle
Ils étaient plus d’une trentaine à battre le pavé devant le Palais de Justice, dans l’île de la Cité et bien que le soleil soit là, ils n’avaient pas chaud. Et c’est avec un plaisir évident qu’ils suivirent le guide pour entrer à l’intérieur de la Conciergerie après avoir aperçu le Palais de l’extérieur. Le Palais est composé de bâtiments qui ne datent pas pour la plupart du Moyen-âge, date des premières constructions, des incendies, volontaires ou non, en 1678, 1776, 1871 ravagèrent le palais. Quatre tours : Césarbâtie sur des fondations romaines, Argent qui abritait le trésor royal, Bombec, siège de la question où les torturés avouaient, Horlogeaccueillant la première horloge de Paris en 1371, l’actuelle horloge de Germain Pilon date de 1585.
Un peu d’histoire
Sur l’île de la Cité habitait une tribu gauloise, les Parisii, vivant du commerce fluvial et de la pêche tandis que les Romains s’installaient sur la rive gauche du fleuve. Facile à défendre, l’île servit de refuge lors des invasions barbares ( Attila et les Huns furent repoussés par la population galvanisée par Sainte Geneviève). En 360 César Julien, un fin stratège romain y fut sacré empereur par ses soldats ; Clovis fit du palais romain le siège du gouvernement et capitale (elle restera capitale jusqu’à Charlemagne qui faisait capitale les villes où la cour s’arrêtait). En 1112, Louis VI s’installe dans le Palais avec sa cour. C’est sous Philipe Auguste que la Cité prendra le nom de Conciergerie, la régence du palais était une charge confiée à un noble « le concierge » qui avait de grands pouvoirs et privilèges.
Rebâtie en 1313, des remparts enclavent totalement la cité, ligne de défense des assaillants mais aussi piège en cas de rébellion. Philippe le Bel en fit le siège du pouvoir royal en y installant le parlement et la justice. Et c’est pour des raisons stratégiques que le dauphin Charles V, qui a subi la rébellion d’ Etienne Marcel prévôt des marchands, en 1358, s’installera devenu roi, sur la rive droite à l’hôtel Saint-Pol à l’extérieur des remparts. Mais il laissera le Parlement dans la Cité avec les fonctions administratives, dont notamment la justice. Une partie du palais est reconvertie en prison d’état : le parlement est à l’étage au-dessus, la prison est au rez-de-chaussée. Devenue dangereuse pour la vie des prisonniers, elle fut définitivement fermée en 1914 (les crues envahissaient la prison noyant les prisonniers).
A la Révolution, le tribunal conventionnel investit les lieux, expédie les jugements. On ne ressort de la Conciergerie que libre ou condamné à mort.
Mais revenons à notre visite. La Conciergerie est ce qui reste du palais médiéval. La première salle voûtée des gens d’armes est aujourd’hui à demi en sous-sol, alors qu’à l’époque de sa construction, elle était de plein pied – on n’a cessé de remonter le niveau de l’île pour éviter les désagréments des inondations. Lors de notre passage, la conciergerie accueillait une exposition temporaire « Rêve de monuments » : tableaux, photos, peintures de monuments imaginaires. Malgré cela, nous découvrons les voûtes d’une salle gothique, la plus grande salle gothique de France sinon d’Europe. Elle est divisée en 4 travées séparées par des piliers, celui du milieu supportant les deux salles supérieures (aujourd’hui l’une est la salle des pas perdus) est renforcé. Cette grande salle abritait le logement des domestiques du Palais qu’on estime à 500 personnes même si les textes affichent un nombre grandement supérieur ; 4 cheminées en assuraient le chauffage, les repas n’étaient pas élaborés dans cette salle, une cuisine leur étaient réservés. Au mur un fragment de la grande table de marbre noir du XIV siècle, table où le roi festoyait lors des réceptions et siège de lits de justice ou de tribunaux.
Nous entrons ensuite dans la salle des gardes qui donne par des escaliers sur les tours César et Argent. Assis autour d’une grande table de bois, nous écoutons son histoire : d’abord grand-chambre de justice à l’époque royale (jugement ou cassation, aujourd’hui la cour de cassation remplace le Conseil du Roi), elle fut le siège du tribunal révolutionnaire en 1793. Elle vit passer de nombreux procès, souvent expéditifs. En deux ans, près de 2800 condamnations à l’échafaud furent prononcées, les plus célèbres sont celles de La Reine Marie-Antoinette sur laquelle nous reviendrons et de Robespierre. Une partie fut cloisonnée en cellules dont le confort était variable selon les ressources des détenus, les riches payaient un loyer et pouvaient apporter meubles et nourriture, ils bénéficiaient d’une cellule individuelle, ceux qui pouvaient payer quelques pistoles étaient logés dans des cellules avec des lits à sangles (cellules à pistoles). A côté, desservies par un couloir « la Rue de Paris » du nom du bourreau qui venait là chercher ses futures victimes pour les conduire au supplice, les cellules reconstituées des plus démunies : cellules des payeux ou pailleux (pas de lit mais de la paille), suivies du bureau du greffier, du concierge, de la salle de la toilette. Les condamnés passaient par cette dernière salle où on les dépouillait de leurs objets personnels normalement destinés à l’état mais qui finissaient souvent dans le gousset du bourreau qui arrondissait ainsi ses gages.
Au fond de la Rue de Paris, la reconstitution de la cellule de Marie-Antoinette. La reine toute de noir vêtue- elle est en deuil de son mari le roi Louis XVI guillotiné en janvier 1793- est assise sur un fauteuil canné, surveillée par des gardes derrière un paravent. On peut dire que tout fut fait pour qu’elle soit condamnée. Si le roi était aimé des Français, l’Autrichienne ne l’était pas, et on lui trouva des prétextes fallacieux pour la condamner. Elle fut accusée de traitrise, de conspiration avec l’étranger alors que visiblement sa famille autrichienne ne fit rien pour lui venir en aide. On alla même jusqu’à porter l’accusation d’inceste et une tentative avortée d’évasion dite aux œillets la rendit encore plus suspecte. Elle n’eut pour se défendre qu’un avocat commis d’office.
Elle était à sa table, en train d’écrire une lettre d’adieu à ses enfants lorsque le bourreau vint la chercher, et elle ne put finir sa missive. Elle fut passée par la guillotine 48 h après sa condamnation en place de la Révolution. Antoine Louis, médecin militaire, avait imaginé un moyen plus sûr pour décapiter que la hache, le bourreau parfois s’y reprenait à plusieurs fois pour achever sa besogne ; appuyé par Guillotin, son invention fut adoptée, moyen plus rapide mais aussi plus égalitaire puisqu’aristocrates ou gens du peuple, tous étaient exécutés identiquement. La cellule reconstituée de la reine n’est pas aussi grande que celle d’origine, le roi Louis XVIII revenu au pouvoir prit une partie de la cellule originelle pour élever une chapelle expiatoire en 1815.
On peut lire sur la stèle de cette chapelle, une épitaphe latine qui traduite en français donne « Dans ce lieu, Marie-Antoinette-Jeanne d’Autriche, veuve de Louis XVI, après la mort de son époux, et l’enlèvement de ses enfants, fut jetée en prison et y demeura 76 jours dans l’anxiété, le deuil et l’abandon. Mais, appuyée sur son courage, elle se montra dans les fers comme sur le trône, plus grande que la fortune. Condamnée à mort par des scélérats, au moment même du trépas, elle écrivit ici un éternel monument de piété, de courage et de toutes les vertus, le 16 octobre 1793. Vous tous qui venez ici, adorez, admirez, priez. » et un extrait d’une lettre de la Reine à Madame Elizabeth sa belle-sœur : « Que mon fils n’oublie jamais les derniers mots de son père que je lui répète expressément qu’il ne cherche jamais à venger notre mort. Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu’il m’ont fait »
Nous sortons un peu oppressés de cette chapelle pour entrer dans la cour des femmes. Là, les détenues pouvaient laver leur linge à la fontaine, parler à leurs visiteurs qui venaient derrière une grille de séparation, parfois faire leurs adieux à leurs proches, Marie-Antoinette pouvait les entendre puisque une fenêtre de sa cellule donnait sur cette cour mais après l’histoire de l’évasion aux œillets, elle fut mise au secret et fut coupée de tout contact extérieur.
La Sainte Chapelle
Nous nous dirigeons ensuite vers la Sainte-Chapelle. Nous passons à la fouille, tout objet tranchant ou pointu est confisqué. Nous grimpons au premier étage par un escalier de pierre en tire-bouchon, la chapelle royale palatine se mérite.
Commencée en 1242, elle fut finie en 1248, un record de construction. C’est une nef unique sans mur porteur qui repose sur des piliers. C’est le premier bâtiment de verre puisqu’il comporte environ 2/3 de vitraux sur la surface totale de la chapelle- les vitraux latéraux s’inspirent de l’Ancien testament alors que ceux du chœur annoncent le nouveau testament.
Construite pour accueillir la couronne d’épines que la Turquie, en manque de trésorerie, avait mis en vente pour 135 000 livres[1] et que la France, sous le couvert de Saint-Louis, avait acheté (en ce temps là, les finances d’état étaient florissantes). Saint-Louis s’était d’ailleurs déplacé dans l’Yonne d’aujourd’hui à la limite de son royaume pour recevoir cette relique. La couronne est aujourd’hui dans le trésor de Notre-Dame et ne comporte plus d’épines qui ont été vendues ou données à quelques nobles pour services rendus. Elle fut offerte par Napoléon I en 1804 à l’évêque de Paris.
Hélas ! visite inachevée, la Sainte Chapelle a fermé ses portes…
Marie. Luxembourg