Sur la route qui va, qui va…
Cela doit faire près de 40 ans que l’on parle de l’aménagement de la RN 88. En effet, cet axe avait
déjà été retenu comme Grande Liaison d’Aménagement du Territoire (GLAT) par le Comité
Interministériel d’Aménagement du Territoire du 12 juillet 1993, le classant « priorité nationale »,
reliant Lyon et Toulouse en traversant des départements essentiellement ruraux, mal desservis et
en plus pouvant soulager les autoroutes A7 et A9. De nombreux aménagements à 2 fois 2 voies
ont déjà été réalisés ou bien, sont en travaux ou déjà programmés dans les départements de la
Loire, de la Haute-Loire, de l’Aveyron (sauf entre Laissac et Séverac-le-Château) et du Tarn
transformant progressivement l’itinéraire en voie rapide, sauf en Lozère où aucun aménagement
n’est confirmé ou en travaux.
Durant 15 ans, de 2005 à 2020, l’Association « Oui à la 2×2 voies », présidée par Jean Villemagne a
porté ce projet en recherchant une vision commune de l’ensemble des politiques afin de
dynamiser ce segment de projet national Lyon – Toulouse inclus dans le grand axe international
Varsovie – Séville.
Le département de la Lozère est très mal desservi : la seule infrastructure de transport fiable et
moderne existante, l’A 75 passe en frange Ouest du département et ne dessert ni Mende, sa ville
préfecture, ni la grande moitié Est du département. Quant à la desserte ferroviaire, elle est
inexistante, rendant la route comme le seul mode de transport permettant la desserte
économique et touristique de ses territoires. Les enjeux de la transformation de la RN88 en voie
rapide sont donc considérables. Le contournement des villes de Mende et de Langogne en
particulier mais aussi de points très dangereux, est très urgent car l’absence de déviation de ces
villes traversées par des véhicules en transit, essentiellement des poids lourds, provoque de très
fortes nuisances pour les habitants tout en étant source potentielle de graves accidents. C’est un
obstacle dirimant pour l’installation et le développement d’activité économique. Justement il est
urgent de mieux relier Mende et plus largement toute la vallée du Lot qui concentrent une part
très importante de l’activité économique du département à l’A75 et leur permettre un accès
rapide et sécurisé, cette section étant la plus circulée de l’itinéraire, avec un très fort taux de
poids-lourds dont une large majorité, en transit, traverse l’ensemble de la Lozère. L’infrastructure
souhaitable serait une voie nouvelle entre Mende et l’A75 par le col de Vielbougue se raccordant
au viaduc de la Colagne, tracé déjà étudié et chiffré en 2006, situé à l’écart de zones habitées,
élément essentiel d’acceptation locale du projet plutôt qu'un aménagement en place de la route
actuelle très gênant pour les villes et villages traversés.
L’opportunité de la loi 3DS (Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification)
en cours de promulgation qui permettra de transférer aux collectivités locales traversées, si elles
se portent candidates, la gestion des infrastructures nationales non concédées, est une vraie
occasion à saisir pour la Région Occitanie, donnant ainsi la possibilité de prendre les décisions au
plus près des besoins des territoires. Tout ceci n’est envisageable que si l’engagement
pluriannuel de l’Etat dans le support financier est à la hauteur des objectifs d’un tel projet qui
dépasserait les 2 milliards d’euros sur la section Le Puy / Rodez.
Sur ces enjeux, tous les élus (Région, département, intercommunalités et communes) ne peuvent
qu’être d’accord. C’est le moment pour eux de profiter de ce transfert de l’infrastructure de l’Etat
à la Région pour parvenir à un consensus autour du projet, négocier le financement par l’Etat pour
le projet complet en commençant par les études préalables à une déclaration d’utilité publique
tout en tenant compte des études déjà réalisées, études à relancer en actualisant les données
(trafic …) et tenant compte de l’évolution des contextes économique et environnemental. Ensuite
seraient programmés la réalisation des travaux et leur phasage dans le prochain contrat de plan
Etat-Région.
Anne Bernard-Gély
Ingénieur général des ponts, des routes et des forêts